B SMART : Interview de Julien Mimoun

Le jeudi 6 mai 2021, Florence Duprat a reçu dans SMART LEX Julien Mimoun.

Interview : Le Monde du Chiffre

Nos associés Yohan Raccah et Julien Mimoun ont été invité par « Le Monde du Chiffre » pour partager leur expertise et leur expérience sur les impacts comptables et fiscaux liés aux cryptomonnaies.

L’occasion de faire le point sur les principales problématiques auxquelles sont confrontés les experts-comptables et d’échanger sur les bonnes pratiques et les pièges à éviter.

Retrouvez ici, l’intégralité de l’interview.

Les nouveaux acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire sont-ils réellement si éloignés des préoccupations des acteurs de l’Économie traditionnelle ?

À première vue, entrepreneurs et acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) semblent ne partager que peu de choses en commun. De nombreux entrepreneurs perçoivent l’ESS comme un objet économique non identifié, qui n’aurait d’économique que le nom et dont les fondements entreraient en contradiction avec nombre des préoccupations de marché traditionnelles. La pratique de ces dernières années nous montre, qu’au contraire, la montée en puissance de l’écosystème privé autour de l’ESS a permis l’émergence de projets ambitieux n’ayant rien à envier à ceux relevant de l’économie dite « traditionnelle ».

L’ESS, un écosystème exigeant pour les entrepreneurs

Quelle que soit leur forme juridique, les acteurs de l’écosystème ESS poursuivent un objectif commun : répondre à une exigence d’utilité sociale. L’ESS se définit en effet par la finalité des structures qui la composent. Les organisations qui forment l’ESS poursuivent un objectif différent de celui des entités économiques traditionnelles qui évoluent sur les marchés ; elles ont pour but d’apporter des réponses concrètes à des problématiques sociales et environnementales qui impactent la société.

Les structures de l’ESS se caractérisent aussi par leur fonctionnement particulier. Ces dernières adoptent notamment des méthodes de prise de décisions horizontales, ou bien organisent un partage des bénéfices en faveur de l’emploi et du développement durable de l’entreprise.

Toutefois, contrairement aux idées reçues, l’ESS n’est pas uniquement réservée aux structures juridiques associatives ou mutualistes, et les acteurs de l’ESS tentent de plus en plus d’allier performance économique durable avec impact environnemental positif, développement de l’emploi, lien social et rayonnement territorial.

Par ailleurs, l’ESS s’est ouverte aux sociétés commerciales depuis la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. L’accès au statut de sociétés commerciales de l’ESS est soumis à un certain nombre de critères. Ces sociétés doivent en effet répondre à un objectif d’utilité sociale et doivent obéir à des obligations particulières quant au partage de leurs bénéfices ou à leur mode de gouvernance. L’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) place la barre des exigences encore plus haut pour les structures qui souhaitent y avoir accès. Plafonds de rémunération, preuve de l’impact des activités d’utilité sociale sur le chiffre d’affaires, rédaction particulière des statuts… Cet agrément, dédié uniquement aux entreprises ayant préalablement obtenu le statut de sociétés de l’ESS, leur permet d’avoir accès à des financements fléchés provenant notamment de l’épargne salariale solidaire.

Le caractère lucratif et la rentabilité de ces structures étant cependant souvent considérés comme fragiles, de nombreux entrepreneurs tentent de développer des activités d’utilité sociale et environnementale en dehors de ces statut et agrément. Selon Vincent Fauvet, président et co-fondateur d’Investir&+, « nous parlons de moins en moins d’entrepreneurs de l’ESS mais d’entrepreneurs à Impact. Les porteurs de projet se reconnaissent d’ailleurs peu comme des acteurs de l’ESS. Ce sont de véritables entrepreneurs, qui gèrent un business pour répondre à une problématique sociale ou environnementale. Ils se tournent peu vers des financements philanthropiques mais des fonds de capital-risque, à impact ou non. Nous voyons de plus en plus de projets de qualité, tant en termes de pérennité du modèle économique qu’en termes d’impact. »

Les Sociétés à Impact selon les entrepreneurs d’aujourd’hui

De nombreux projets entrepreneuriaux parviennent aujourd’hui à allier réussite économique et impact positif sur la société. C’est notamment le cas des entreprises dites « à Impact » ; ces structures, majoritairement de très petites entreprises avec moins de 6 salariés, parient sur l’innovation sociale et/ou environnementale pour rendre leur activité positivement impactante sur la société tout en générant des bénéfices. Ces projets sont le plus souvent portés par des primo-entrepreneurs, généralement passés par la case « cabinet de conseil anglo-saxon » et qui souhaitent désormais apporter davantage de sens à leur engagement professionnel.

Selon Julien Mimoun, associé fondateur de MR Capital, « on voit clairement une mutation s’opérer aussi bien dans le profil des porteurs de projets que dans la qualité des projets eux-mêmes. Alors qu’il y a encore quelques années, les projets sérieux se comptaient sur les doigts d’une main, on rencontre aujourd’hui des entrepreneurs ambitieux qui ont intégrés le fait que la rentabilité ne devait pas être considérée comme une option, mais au contraire comme une nécessité absolue pour la pérennité de leur projet. »

En France, le poids de l’ESS et des entreprises à Impact est désormais compris entre 6 et 10% du PIB[1]. Face au développement de ces activités et devant l’importance croissante donnée aux problématiques sociales et environnementales par le consommateur citoyen, les structures de financement traditionnelles s’adaptent pour offrir aux entrepreneurs des outils juridiques et financiers à la fois accommodants et performants.

Les fonds d’investissement en capital-risque spécialisés dans le financement de sociétés générant un fort impact social ou environnemental, aussi appelés « fonds d’impact investing », se multiplient : Citizen Capital, Alter Equity, Esfin Gestion, Investir&+, etc. Convaincus qu’il est possible de concilier rentabilité financière et fort impact positif, les fonds d’impact investing ont pour but de trouver des projets qui mettent l’impact au cœur de leur modèle, créant ainsi une corrélation entre performance économique et performance sociale ou environnementale. En utilisant les outils de l’économie traditionnelle, ces nouveaux acteurs veulent prouver que le secteur de l’Impact ne constitue plus un monde à part. D’ailleurs, ces fonds ne se concentrent pas uniquement sur les sociétés labellisées ESS mais sur toute entreprise poursuivant un objectif social ou environnemental.

La multiplication de ces fonds spécialisés ne fait ainsi pas des startups sociales et environnementales une exception : à l’image des startups de l’économie classique, celles-ci font toujours face à des difficultés de financement en phase d’amorçage, après avoir épuisé les financements d’aide au démarrage spécifiquement dédiés aux entreprises innovant dans le secteur social : financements dédiés de BpiFrance (Fonds d’innovation sociale, PESS,…), Caisse des Dépôts (PIA – Programme d’Investissement d’Avenir) et des dispositifs d’épargnes salariale solidaire.

David Smadja, avocat associé chez DJS Avocats, semble optimiste quant à la capacité pour les futurs investisseurs et entrepreneurs de profiter du contexte particulièrement favorable dans lequel ils évoluent : « De la loi sur l’ESS du 31 juillet 2014 jusqu’à la loi PACTE adoptée cette année, le cadre légal dans lequel évoluent les entreprises impactantes leur est de plus en plus favorable. Grâce à certains mécanismes fiscaux incitatifs, ces projets entrepreneuriaux deviennent des cibles privilégiées pour certains fonds d’investissement spécialisés. L’intérêt croissant des décideurs et investisseurs pour les projets impactants ouvre un large champ d’opportunité pour les entrepreneurs à Impact. »

Entreprises, TPE, PME : Comment investir dans les cryptos et la blockchain ? – Partie 2

Dans une première partie nous avons vu comment les entreprises, TPE, PME pouvaient investir dans les cryptos et la blockchain ?

Aujourd’hui on s’intéresse à la comptabilité face aux cryptos, comment ça marche ?

Les réponses de Julien Mimoun, co-fondateur du cabinet d’expertise-comptable MR CAPITAL.

Je suis une entreprise ayant investi en crypto. En cas de plus-value, comment je la déclare et la comptabilise ? 

Le traitement comptable/fiscal peut différer en fonction de la forme de société adoptée et/ou du type d’activité de cette dernière. Mais globalement, les plus-values correspondent à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat des cryptos. Elles sont enregistrées comptablement dans un compte de produits financiers et entre dans le calcul du résultat net de la société qui sera soumis (comme pour tout autre type de produit) à l’impôt sur les sociétés.

En cas de plus-value, dois-je le comptabiliser comme du chiffre d’affaires ?  

Une plus-value n’est jamais traitée comptablement du chiffre d’affaires. Dans certains cas (activité d’intermédiation), on peut comptabiliser les ventes en chiffre d’affaires et les achats réalisés en contrepartie comme des achats de « marchandises », la plus-value réalisée sera alors comptabilisée dans la marge.

En cas de moins-value, est-ce que je peux la reporter ? 

Dans la mesure ou la moins-value réalisée constitue en charge pour l’entreprise, elle vient diminuer le résultat de cette dernière. En cas de résultat déficitaire au cours d’un exercice comptable, il est reportable sur l’exercice suivante.

Dans les deux cas, quelle(s) « preuve(s) » dois-je apporter ? 

Il n’y a pas de « preuve » à apporter à proprement parler. Comme toutes opérations, les opérations réalisées en crypto doivent être enregistrées en comptabilité en s’appuyant sur la base d’éléments tangibles. Idéalement, la société doit être en mesure de justifier l’intégralité des mouvements intervenus sur ses différents wallets et exchanges au cours d’une année et d’indiquer les prix d’achats et de ventes sur chacune des opérations. Dans la pratique, il existe quelques solutions de suivi tels que cryptio.co qui permettent de reconstituer les différentes opérations et sécuriser le dossier comptable.

Je souhaite intéresser, voire payer mes employés avec des cryptos, c’est possible ? Compliqué ? 

Il n’existe pas de sources documentaires traitant du sujet, néanmoins, le paiement des salariés en cryptos peut théoriquement être possible, à condition :

  • que le paiement en question soit un complément de salaire (il y a un salaire minimum – à savoir le SMIC – qui doit être réglé en monnaie fiat),
  • qu’il apparaisse sur le bulletin de paie et soit soumis aux paiements des charges sociales à l’instar d’un salaire en fiat.

Comptabilisation des «cryptos» : monnaies virtuelles, problème réel.

L’absence de règle relative à la comptabilisation des crypto-monnaies risque de poser problème dans le bilan de certaines entreprises. 

Au milieu de l’engouement suscité par le développement des cryptos, se cache une question peu médiatisée mais qui risque de se poser pour un nombre croissant d’entreprises cette année, notamment en période de clôture des comptes. En effet, si les cryptos sont le plus souvent le fait d’affaires privées, leur utilisation se banalise de plus en plus au sein des sociétés commerciales et associations, par le biais de différentes opérations (paiement don, trading ou ICO). Et avec ces nouveaux flux se pose la question de leur comptabilisation dans le bilan, que faire en l’absence de toute réglementation ?

Même en l’absence de règles comptables, nous pouvons tout d’abord affirmer sans prendre trop de risques que les cryptos sont des actifs, au sein de l’art. 211-1 du PCG car satisfaisant aux différents critères énoncés (propriété, valeur économique positive, contrôlée, porteur d’avantages économiques futurs).

Reste à savoir maintenant à quel type d’actif.

Ce que les cryptos ne sont pas

Les cryptos ne sont pas du cash

Malgré les similitudes évidentes, les cryptos ne peuvent pas être considérées comptablement comme de la trésorerie. Et cela car même lorsqu’elles sont acceptées comme moyen de paiement par certains, les cryptos n’ont pas « cours légal », c’est-à-dire qu’il n’existe aucune obligation pour les commerçants de les accepter.

Ni des équivalents de trésorerie

Ce poste concerne les éléments qui ne sont de la trésorerie à proprement parler, mais dont la nature et la forte liquidité permet d’être rapidement converti en trésorerie. C’est le cas notamment des parts d’OPCVM et autres titres financiers, qui sont facilement cessibles sur un marché réglementé ou de gré-à-gré. 

Malgré les similitudes une fois de plus, l’existence d’un marché d’échange ne permets pas à lui seul de faire rentrer les cryptos dans cette catégorie. Cette dernière est réservée aux seuls « titres financiers » au sens de l’art.211-1 du CMF, appellation réservée aux seuls titres de capital ou de créance, ce que les cryptos ne sont résolument pas.

Et encore moins des immobilisations financières

Par simplification, ce poste désigne les actifs financiers détenus par l’entreprise et destinés à être conservé de manière durable dans l’entreprise, dans l’optique d’en retirer des avantages économiques futurs. Ces avantages peuvent être obtenus soit par la revente des actifs (plus-value), soit par le fruit qu’elle tire de son titre de propriété (dividendes, coupons, intérêts…).

De la même manière que pour les équivalents de trésorerie, cette classification est réservée aux titres financiers, et exclue de fait les cryptos pour les raisons énoncées précédemment. 

Ce que les cryptos pourraient être

Du stock dans certains cas

Selon la définition du PCG (Art 211-7), un stock est « un actif détenu pour être vendu dans le cours normal de l’activité […], ou destiné à être consommé dans le processus de production ou de prestation de services, sous forme de matières premières ou de fournitures ». La définition ci-dessus tend à s’appliquer selon nous dans le cas d’une société commerciale exerçant à titre principal une activité d’achat/revente et concerne donc principalement les plateformes de trading ou de minage (création) de cryptos.

Plus probablement des immobilisations incorporelles

D’un point de vue purement « réglementaire », la nature des cryptos les rapproche sensiblement des immobilisations incorporelles, telles que définit par le PCG (Art 211-5).

En effet, le plan comptable stipule qu’une immobilisation incorporelle est « un actif non monétaire sans substance physique ». L’absence de substance physique est une des caractéristiques principales des crypto-monnaies, (on parle effectivement de « monnaies virtuelles »). Le qualificatif de « non monétaire » découle quant à lui de l’absence de cours légal des cryptos, sujet déjà évoqué précédemment.

Créateur (rice) de marketplace, comment ne pas tuer votre expert-comptable

À l’occasion de l’édition de son livre blanc, le cabinet Mr capital fait le point sur les principaux points d’attention comptables lorsque l’on créé une marketplace.

Vous avez monté votre marketplace ou pensez à le faire ?

Première étape cruciale : consulter un avocat spécialisé pour comprendre les principaux enjeux juridiques liés à votre activité (notamment l’encaissement pour compte de tiers, la rédaction des CGV et CGU, …). En effet, l’étape est cruciale car au-delà de l’aspect purement juridique, certains choix auront une portée plus générale, notamment en termes de comptabilité et de fiscalité.

C’est-à-dire ?

Dans de nombreux cas, et c’est d’autant plus vrai pour les marketplaces, c’est le statut juridique qui va déterminer les potentielles problématiques comptables.

En effet, il existe globalement deux statuts possibles pour les marketplaces : commissionnaire ou mandataire. Dans le premier cas, l’opérateur se comporte comme un distributeur classique : il achète et revend des produits. Dans le second, il intervient comme un véritable intermédiaire entre les clients finaux et les revendeurs qui exploitent la plateforme.

Comment déterminer son statut juridique ?

Le statut juridique va souvent dépendre des choix opérationnels et des caractéristiques techniques de la plateforme, et notamment :

  • La marketplace permet-elle une facturation automatique ?
  • Quel est le nom indiqué sur la facture (la marketplace ou le revendeur final) ?
  • Quels sont les services proposés par la plateforme (mise en avant de produits, droit d’utilisation des outils de la plateforme, …) ?
  • Des contrats ont-ils été signés avec les revendeurs ? Si oui, que prévoient-ils ?

Une fois cette analyse réalisée, le statut juridique devrait naturellement se dessiner en fonction des caractéristiques de la plateforme.

En quoi cela concerne la compta ?

Le statut juridique a un impact direct et significatif sur la comptabilité. En effet, en fonction du statut adopté par la marketplace, les impacts comptables et fiscaux peuvent différer significativement, notamment en matière de :

  • Détermination du chiffre d’affaires : doit-on considérer le volume d’affaires générées sur la plateforme, ou uniquement la commission facturée aux revendeurs ?
  • TVA : doit-on appliquer la TVA sur les ventes ? Si oui qui doit s’en charger et la payer ?
  • Commissaire aux comptes : en fonction du statut choisi, il est fort probable que la marketplace dépasse rapidement les seuils légaux qui nécessite la nomination d’un CAC (notamment si on considère que les ventes correspondent au volume d’affaires sur la plateforme)   

Quelques bons réflexes dans la pratique

Afin toute chose, il convient d’informer son expert-comptable des choix opérationnels et juridiques relatifs à la marketplace (choix du statut, mode de facturation, …). 

  • Cela peut paraitre évident, mais ce n’est pas toujours le cas dans la pratique : automatisez la facturation (clients et fournisseurs, en fonction su statut). Cela vous évitera les erreurs et mécontentements des différentes parties prenantes. 
  • Lors de la mise en place de votre système de facturation (stripe billing par exemple), réfléchir un format d’export des ventes adéquat permettant à votre expert-comptable d’intégrer facilement les opérations en comptabilité ;
  • s’obliger à faire un matching régulier (idéalement chaque mois) entre les encaissements sur votre compte PSP (Lemonway, Hi-pay, Paypal, Stripe…) et votre outil de facturation. Cela vous permettra :
    • de s’assurer que toutes les ventes ont bien été réglées ;
    • de lier les ventes avec les paiements correspondants, et permettre à votre expert-comptable faire réaliser ce que l’on appelle le « lettrage » des comptes clients ;
  • effectuer des virements réguliers de votre compte PSP vers votre compte bancaire – idéalement votre compte PSP devrait être à 0 chaque fin de mois afin de pouvoir réconcilier les paiements avec les factures de ventes. Par ailleurs, effectuer un virement chaque mois permet de réduire considérablement le nombre de lignes comptables et donc permettre un traitement plus rapide pour votre expert-comptable.

Découvrir le livre blanc sur la comptabilité des marketplaces de Mr Capital

Quelle fiscalité pour les NFT ?

Inconnus du grand public il y a moins d’un an, les NFT (non fongible Tokenou « jetons non fongibles » sont désormais sur toutes les bouches. Lancés en 2014, les NFT permettent de garantir la propriété d’un bien numérique. Ces jetons sont en train de révolutionner le marché de l’art, des jeux vidéo, de l’immobilier, de l’industrie musicale ou encore celui du cinéma.

L’achat-revente de NFT est une activité de plus en plus courante. En quoi consiste cette activité et comment la traiter dans des états financiers ? Des directives limitées commencent à émerger, il apparait essentiel de comprendre la forme, la substance, ainsi que les droits et obligations que ces NFT véhiculent .

Le cabinet Mr capital vous donne son avis d’expert-comptable sur les différents schémas de comptabilisation et la fiscalité des NFT en société.

Qu’est-ce qu’un NFT ?

Un NFT est un jeton numérique cryptographique non fongible stocké sur une blockchain auquel un certificat d’authenticité numérique a été attaché. Un NFT permet de rendre un fichier numérique unique et d’en garantir la propriété. Quand on possède un NFT, on a la propriété exclusive de l’œuvre contenue dans ce NFT. Il faut retenir que le propriétaire du NFT ne possède pas les droits d’auteurs et de reproduction qui sont conservés par l’artiste. L’acheteur possède lui le droit de propriété.

Le défi pour les acheteurs et/ou vendeurs de NFT, et leur expert-comptable, est de déterminer comment comptabiliser ces NFT ainsi que la fiscalité qui leur est liée.

Qu’est-ce qu’un NFT (d’un point de vue juridique) ?

Ce n’est pas un jeton numérique :

D’après le code monétaire et financier, un jeton numérique doit représenter un ou plusieurs droits opposables à un tiers. Or les jetons non fongibles ne représentent que le droit de propriété que détient le propriétaire ; ils ne sont le support d’aucun droit susceptible d’être revendiqué auprès d’un tiers.

La qualité de jeton ne leur apparait donc pas applicable.

Ce n’est pas une monnaie virtuelle :

D’après le code monétaire et financier, une monnaie virtuelle doit être acceptée par des personnes physiques ou morales comme « moyen d’échange ».

La notion de « moyen d’échange » apparait donc antinomique avec le caractère non fongible des NFT, c’est-à-dire pas interchangeable et privé de toute fonction d’unité de compte.  Un élément « non fongible » ne peut pas être échangé contre quelque chose de valeur égale puisqu’il a ses propres caractéristiques uniques.

Au regard de son caractère non fongible, la qualité de monnaie virtuelle n’est pas applicable aux NFT.

C’est donc un bien meuble.

Echappant à la qualification d’actifs numériques et à la qualification de monnaies virtuelles les NFT trouvent alors une issue dans la catégorie des biens meubles incorporels.

Les biens meubles incorporels sont des droits conférés à leur propriétaire.  Un NFT peut être assimilé à un bien meuble incorporel puisque c’est un bien immatériel qui confère des droits à leur propriétaire, notamment le droit de propriété.

Quelle fiscalité ?

L’analyse juridique qui précède qui conduit à inclure dans la catégorie des biens meubles incorporels, les gains qui sont susceptibles d’être générés entrent dans le régime des plus-values sur biens meubles, applicable aux plus-values de cessions d’actifs numériques antérieurs au 1er janvier 2019 en application de la jurisprudence du Conseil d’État.

Impôt sur les sociétés (IS) :

Quand vous êtes une entreprise ou un artiste, votre chiffre d’affaires sera égal à la valeur des cryptos, en euros/dollars, reçues lors du paiement. Il s’agit donc d’une activité d’achats-reventes de biens meubles. Les ventes sont alors fiscalisées immédiatement.

Lors de la conversion de vos cryptomonnaies, en monnaie fiduciaire, il faudra prendre en compte le cours au moment de la cession et constater une plus ou moins-value.

À la clôture de l’exercice, les actifs numériques en stock doivent être évalués au cours du jour de la clôture. Si ce cours est inférieur au prix de revient l’entreprise devra constituer une provision pour dépréciation déductible du résultat fiscal. Inversement la plus-value latente ne fait l’objet d’aucune fiscalité et d’aucune écriture comptable.

Il vous revient ensuite de soumettre votre résultat au paiement de l’impôt sur les sociétés.

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

L’activité d’achats-reventes de NFT est soumise au taux normal de 20% sauf pour les artistes créateurs des œuvres qui pourront appliquer un taux de 10% sur leurs ventes.

Les artistes qui vendent leurs NFT doivent appliquer une TVA à 10% relative à la cession de droit d’auteur. En effet, les artistes cèdent en règle générale le droit de représentation et de publication de l’œuvre.   Ils ne peuvent pas bénéficier du taux à 5,5% qui est réservé aux artistes créateurs d’œuvres d’art au sens fiscal du terme. Les œuvres numériques ne rentrent pas dans cette catégorie.

Rédigé par Yohan Raccah de MR CAPITAL

Expert-comptable bitcoin et crypto – une licorne au sens légendaire du terme ?

« Cherche désespérément un comptable spécialisé Bitcoin et crypto …» – voilà ce que l’on peut régulièrement lire sur certains forums. C’est qu’à mesure que écosystème croît, s’étend et se professionnalise, le besoin se fait de plus en plus sentir de s’entourer d’experts en fiscalité, réglementation…et comptabilité !

Une quête rapidement complexe, voire décourageante pour quiconque souhaite exercer dans les règles et s’éviter les foudres d’une administration fiscale tatillonne et réputée peu tolérante dès que les termes « Bitcoin » ou « cryptomonnaies » apparaissent dans une raison sociale. Alors que se passe-t-il ? Pourquoi est-il presque impossible de trouver un expert-comptable qui accepte d’accompagner des projets « crypto » en France ? Le cabinet MR Capital vous explique ce phénomène.

La comptabilité bitcoin et crypto, un sujet complexe et sensible

HugoBTC écrit « Mon soucis, c’est que lorsque je contacte un comptable, il se passe l’une des 3 choses suivantes : Par téléphone, ils me disent que le Bitcoin c’est trop risqué, quand je vais directement au Cabinet, ils disent qu’ils me rappelleront mais ensuite plus de nouvelles par mails, pas de réponse … Moi qui pensais monter la prochaine licorne au sens startup du terme il me semble que la vraie licorne au sens légendaire du terme ce sont les experts-comptables cryptos … Selon la légende, il vit et se cache dans la forêt ou dans les montagnes … il apparaîtra quand il sera temps et quand la bonté régnera de nouveau parmi les gens » Ce genre de commentaire serait presque comique s’il ne cachait pas une triste réalité dans la pratique.

Les cryptoactifs sont régulièrement listés parmi les activités à risque par Tracfin et par les autorités chargées d’édicter les normes anti-blanchiment. Ainsi l’expert-comptable qui voudra bien accepter d’accompagner des projets liés aux cryptos devra respecter de lourdes diligences en matière de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme (LABFT).

La pénurie d’experts comptables crypto s’explique en grande partie par la difficulté de compréhension du fonctionnement de Bitcoin, de la blockchain et des cryptomonnaies/cryptoactifs. La maîtrise du sujet ne s’acquière que par une auto-formation via des recherches personnelles (études, podcasts, médias spécialisés…).

Il n’existe à ce jour presque aucune formation professionnelle liée au traitement comptable des opérations cryptos, et pour ce qui est de la documentation comptable et fiscale, elle est quasi-inexistante (mise à part le règlement de l’ANC du 10 décembre 2018 relatif au traitement comptable des ICO).

La barrière à l’entrée réside principalement dans la complexité technique des innovations liées à ces actifs et dans la rapidité de leurs évolutions. En quelques années, les innovations sont tellement importantes (explosion du nombre de coins en circulation, ICO, Cloud mining, DeFi, Stacking…) qu’il est nécessaire de créer un schéma comptable des opérations propre à chaque projet.

La comptabilité actuelle n’est malheureusement pas totalement adaptée aux projets cryptos, il existe encore de nombreuses zones d’ombres (des opérations qu’on ne sait pas toujours traduire comptablement), sans parler de la fiscalité…

Quid par exemple du type de comptabilité d’une société de trading de Bitcoin et autres cryptos : faut-il mettre en place une comptabilité de type « bancaire ou OPCVM » ou au contraire rester sur une comptabilité « classique » de société commerciale ? Un exemple parmi tant d’autres des difficultés auxquelles sont confrontés les experts comptables.

Il y a donc encore tout à créer sur ce sujet, c’est ce que l’on appelle de la « comptabilité créative ». Autre difficulté, cette fois-ci interne au fonctionnement des cabinets : il n’existe pas de collaborateurs formés à la traduction/production comptable de ce genre de projets. Afin d’être en mesure de traiter les sujets Bitcoin et cryptos il faut souvent créer/adapter les schémas d’écritures par analogie avec d’autres activités existantes, une gymnastique d’esprit qui nécessite beaucoup d’expérience.

Enfin, toutes ces difficultés sont difficiles à faire entendre à des entrepreneurs cryptos. L’expert-comptable doit faire preuve d’une grande pédagogie envers ses clients pour leur expliquer que leurs dossiers sont souvent atypiques et nécessitent un temps passé plus important que pour des dossiers plus « classiques ». Ce temps a bien évidemment un coût, et au taux horaire d’un expert-comptable associé ou d’un chef de mission, la facture peut vite s’avérer conséquente. C’est malheureusement le prix à payer pour bénéficier d’un service de qualité permettant de piloter sereinement son activité et limiter au maximum les risques fiscaux.

Exemple de complexité

Au sein du cabinet, nous avons rencontré à ce jour plus d’une cinquantaine de projets cryptos divers et variés (ICO, Mining, Trading, Gestion de portefeuilles, Carte de paiement en cryptos, Néo-banque…).

Malgré toute notre meilleure volonté, nous n’avons malheureusement pas pu accompagner tous les projets.
La faute à un suivi des flux en interne pas assez précis ou une sollicitation trop tardive de la part du client, qui rend impossible (ou trop chronophage) la reconstitution des opérations.

Ci-dessous quelques exemples concrets de complexités :

  • Trading d’altcoins non listés ou listés sur des exchanges peu liquides ;
  • Sociétés exerçant plusieurs activités à la fois (trading pour compte propre, gestion de portefeuille, et création de sa propre crypto),
  • Absence d’outil de suivi ou de tracking des différents wallets rendant impossible la reconstitution des opérations
  • ICO dans laquelle il était impossible de reconstituer les mouvements sur les dizaines de wallets. La société en détenait plus d’une trentaine avec des transferts entre les différents wallets et elle était incapable de justifier certains
    transferts.
  • Confusion entre le chiffre d’affaires et le volume de trading
  • Paiements de prestataires réalisés en cryptos sans aucun document justificatif
  • Confusion entre le wallet perso et pro.

Le cabinet comptable spécialisé bitcoin et crypto, légende urbaine, ou pas ?

A notre connaissance les cabinets en mesure de traiter des dossiers avec des problématiques cryptos peuvent se compter sur les doigts d’une main. Il existe des « cabinets » qui proposent des prestations hybrides de conseil en comptabilité. Il s’agit pour ces cabinets de « traduire » les différents flux en écritures comptables mais en aucun cas de porter la responsabilité de produire un bilan ou d’effectuer les déclarations fiscales obligatoires.

D’autres cabinets ont fait le choix d’accepter les dossiers en attendant de trouver miraculeusement un collaborateur ou une ressource en interne qui prendra le sujet à bras le corps.

Pour identifier les experts-comptables à même de prendre en main votre dossier crypto nous pouvons vous donner ces quelques conseils :

  • Ne pas confondre fiscalité personnelle et fiscalité de l’entreprise. Certains experts-comptables seront tout à fait à même d’accompagner leurs clients dans leurs déclarations fiscales personnelles pour les gains réalisés en Bitcoin ou cryptomonnaies sur leurs wallets persos. Gérer la fiscalité des entreprises ayant une activité cryptos, c’est une autre paire de manche.
  • Soyez très attentifs aux honoraires proposés : si ces derniers sont ceux pratiqués habituellement en ligne pour des sociétés plus « traditionnelles », posez-vous des questions.
  • Soyez attentif au vocabulaire que l’expert utilisera. Assurez-vous qu’il est familier des termes techniques liés à votre univers, du moins les plus basiques ;
  • Il devra s’assurer que vous disposiez d’un outil de tracking fiable comme cryptio.co ;
  • Demandez-lui de vous expliquer ce qu’il a compris de votre projet et s’il identifie déjà des problématiques au niveau comptable et fiscal. S’il ne voit aucune difficulté particulière, c’est qu’il n’a pas bien anticipé la charge de travail ou pire… qu’il n’a rien compris au projet.
  • Assurez-vous que l’accompagnement proposé inclut la production du bilan annuel et la gestion de la fiscalité (ça peut paraître bête, mais sait-on jamais…)
  • Enfin, méfiez-vous de quelqu’un qui se dirait « spécialiste » en crypto. Vu la taille du marché crypto en France et de sa relative jeunesse, personne n’est spécialiste. Au mieux, vous aurez un interlocuteur qui aura bien cerné le sujet et les différentes problématiques.

Quelle mission pour l’expert-comptable bitcoin et crypto ?

Si par chance vous parvenez à trouver un expert-comptable à l’aise avec Bitcoin et les nouvelles règles de la crypto-économie, vous devrez accepter de consacrer un certain temps avec ce dernier en amont de sa mission pour travailler/remettre en forme vos datas.

En effet, il est primordial que votre expert-comptable puisse comprendre et identifier les différents flux financiers qui transitent par vos wallets ou autres supports et les traduire en écritures comptables en fonction de votre business model. Il s’agit la d’une véritable mission de consulting et non pas de la mission « normale » de l’expert-comptable qui consiste en la tenue des comptes et la gestion de la fiscalité.

C’est une grossière erreur que de croire qu’il suffit de fournir vos tableaux Excel de suivi à l’expert pour qu’il tienne votre compta. L’expert-comptable doit être en mesure de comprendre l’ensemble de vos flux et de les recouper pour travailler sereinement.

Il s’assurera de la fiscalité appropriée à votre projet (application ou non de la TVA, reconnaissance du chiffre d’affaires, plus ou moins-values latentes) et bien évidement il devra produire votre bilan et le transmettre à l’administration fiscale.

Nous espérons que cet article permettra de comprendre que l’innovation liée à Bitcoin et à la nouvelle classe financière des cryptoactifs est un phénomène difficile à appréhender pour les experts-comptables car cela demande une ressource intellectuelle rare et/ou onéreuse ainsi que beaucoup de temps passé. Pour autant, chercher et trouver un bon professionnel ne relève plus désormais de la quête légendaire.

Julien Mimoun, Associé MR CAPITAL : « Les impacts comptables des ICO sont multiples »

Le cabinet MR CAPITAL a publié un guide synthétisant les bonnes pratiques en matière de comptabilité et de fiscalité dans les opérations d’ICO (Initial Coin Offering), ces levées de fonds qui fonctionnent par émission d’actifs numériques ou tokens échangeables contre des crypto-monnaies.

Julien Mimoun, Associé du cabinet MR CAPITAL, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre à ce sujet. Il évoque notamment des missions possibles des commissaires aux comptes sur les ICO.

Quels sont les impacts comptables liés aux opérations d’ICO ?

Comme toute opération de financement, les impacts comptables des ICO sont multiples.

Cependant, en l’absence de cadre réglementaire enfin bien défini, ces impacts restent encore difficiles à appréhender pour un public non averti. C’est la raison pour laquelle notre cabinet a décidé de publier un guide comptable et fiscal des ICO afin d’éclairer les porteurs de projets sur les principaux effets que peuvent avoir ces opérations. Ce document, qui n’a pas valeur de loi, synthétise selon nous les « best practices » à adopter en matière de comptabilité et de fiscalité dans le cadre d’opérations d’ICO et permet aux porteurs de projets d’en appréhender les principaux enjeux.

Comptablement, la vente de tokens peut s’assimiler à une prestation de service non encore réalisée au moment de l’ICO puisque c’est précisément les montants récoltés via l’opération qui vont permettre au porteur de projet de créer son service. A ce titre, il convient selon nous, pour l’entreprise émettrice, de comptabiliser les fruits de la vente de tokens comme du chiffre d’affaires.

La prestation n’étant pas encore réalisée au moment de la vente, il est de notre point de vue possible, sous certaines conditions, de différer la reconnaissance du chiffre d’affaires au fur et à mesure de la réalisation du projet par l’émetteur selon la méthode dite « de l’avancement », la durée de développement des services financés s’étalant généralement sur plusieurs exercices.

Se pose également d’autres problématiques telles que la comptabilisation des tokens attribués aux conseils de l’entreprise lors de l’opération et l’impact des variations de cours des crypto-monnaies : comment comptabiliser des écarts de change sur des actifs qui ne sont pas considérés comme des devises ?…

On voit donc que les problématiques comptables peuvent être extrêmement variées.

Et qu’en est-il des impacts fiscaux ?

Ils sont tout aussi importants. La vente de tokens étant assimilable à une prestation de service, il nous apparaît logique de considérer que la TVA s’applique à ces opérations.

Par ailleurs, ces ventes entrant dans la constitution du résultat comptable et donc fiscal de l’entreprise émettrice, cette dernière devra également s’acquitter de l’impôt sur les sociétés correspondant.

Selon vous, les ICO peuvent également produire un effet en termes de nomination d’un commissaire aux comptes. De quoi s’agit-il et quel rôle ce professionnel du chiffre peut-il jouer dans les ICO ?

On voit en pratique que les montants levés via les opérations d’ICO sont souvent très significatifs : de 10 à 50 millions d’euros en moyenne. Donc, si l’on suit la logique selon laquelle la vente de tokens est assimilable à du chiffre d’affaires, il y a de grandes chances pour que les sociétés concernées dépassent les seuils les obligeant à nommer un commissaire aux comptes.

Autre mission possible pour l’auditeur légal : celui de rassurer les investisseurs post-ICO, notamment quand on sait que c’est le principal frein à la réussite des projets. On peut tout à fait imaginer des interventions ponctuelles post-opération visant à certifier l’exactitude des montants levés, la répartition des tokens émis – entre cessions, attributions gratuites… – et naturellement, la réalité de l’identité du bénéficiaire effectif final de cette opération.

C’est d’ailleurs le cas du cabinet Grant Thornton qui a été mandaté par la société DDF Asset Ltd dans le cadre de son ICO réalisée au mois de juillet 2017. Cette intervention nécessite cependant pour l’émetteur, de faire appel à un professionnel ayant une certaine connaissance et un intérêt marqué pour l’écosystème blockchain.